Camille Albaret et Pauline Lasmayous avec le toma 1 du roman-photo "L'Elzède"

Camille Albaret et Pauline Lasmayous sont les autrices de la trilogie de livre L’Elzède. Ce projet, original en tous points, permet d’envisager une autre façon de créer des romans-photos. 

Pauline : Ça s’est généré dans un coin de rue, comme on dit. Avec Camille nous étions amies quand nous étions jeunes. Puis on a pris des routes différentes et on s’est retrouvées par hasard, dans une brocante.  

Camille est venue chez moi, elle m’a proposé de créer un roman-photo et j’ai dit oui. Je n’avais jamais écrit de bouquin, je ne savais pas faire. Camille s’est occupée du scénario et moi j’ai joué dedans. 

Camille : On voulait que ce soit un projet très local, on voulait travailler avec des personnes du village (Rivière-sur-Tarn) ou des alentours. On a fait appel à nos deux réseaux, ce qui a permis de faire se rencontrer différents univers. Des personnes issues de la BD indépendante de Toulouse ont rencontré des agriculteurs de l’Aveyron, des musiciens de fanfare… Les gens qui étaient disponibles et qui avaient envie de s’investir ont répondu à cet appel et ont pris une place dans le projet. 

Pauline : On ne savait pas si le projet allait plaire, s’il allait attirer de gens ? Et pourtant, il y a eu beaucoup de monde, certains nous connaissaient, d’autres pas. Une famille espagnole est venue jouer, ils ne nous connaissaient pas et ne parlaient pas le français mais ils se sont investis à 3000%.  

Camille : Les gens se sont énormément investis. Ils ont nous ont donné des journées entières. Ils étaient bénévoles, mais très professionnels. C’est de l’amateurisme poussé jusqu’à son paroxysme. 

Pauline : On a bénéficié de beaucoup d’aides, on nous a prêté une maison, des costumes, des accessoires et tant d’autres choses… Ça a été génial de voir cet engouement, un engouement qui, en plus, a duré dans le temps, au fil de ces trois ouvrages.  

Lors de la première séance de signature, on a échangé non-stop de 15h00 à 20h30. On s’est dit que le pari était réussi. Le monde était là, la fraternité était là, la convivialité était là et c’est aussi ce qu’on recherchait.  

Avec Camille, maintenant, on nous met l’étiquette “Elzède”, ce roman-photo aujourd’hui, c’est une partie de notre identité, c’est une référence.  

Camille : Pour ce projet, on a choisi de ne pas prendre d’éditeur on voulait être très libres. On voulait vraiment que ce soit une fête ce roman-photo. La solidarité a été présente aussi dans le financement du projet. L’Elzède a coûté un peu moins de 10 000 euros. Quasiment la moitié du projet a été financé par les commerçants. Du coup, on a choisi d’imprimer les ouvrages localement, à Millau. 

Que racontent vos trois ouvrages ?

Camille : On avait envie de parler d’utopie. Le pitch de L’Elzède, c’est : en 2048, le monde est génial, il y a de l’écologie. C’est un futur sobre et pour communiquer, on n’a pas besoin de la technologie numérique, mais d’une technologie interne aux humains… Le personnage principal, L’Elzède, est une magnéticienne qui utilise ses pouvoirs pour aider les humains à aller vers quelque chose de plus vertueux.  

Dans le premier tome, on voit comment ce monde est génial. Et pendant les trois tomes, on explique comment on en arrive là. C’est très farfelu. On n’essaie pas de donner des réponses dogmatiques à ce qu’il faudrait faire, on part dans des délires. 

Pauline : On est parti d’un délire et on est arrivé à trois romans-photos qui ne demandent qu’à être découverts pour savoir quel est notre monde farfelu.  

Vous avez toutes les deux une pratique du théâtre, le jeu pour le roman-photo a des particularités ?

Pauline : Le roman-photo c’est différent car c’est muet, mais c’est jouer quand même. On est au service de la photo et de la photographe. On essaie différentes prises avec une orientation différente… On fait des tests pour créer des images. 

Camille : Quand j’ai commencé à m’intéresser au roman-photo, j’avais envie de trouver quelque chose entre la BD et le théâtre. J’avais commencé à faire pas mal de kamishibai et de bandes dessinées. Et en fait, dans la BD, il n’y avait pas ce côté théâtral et social et ça me manquait beaucoup. Je me suis dit, le roman-photo, c’est génial, c’est parfait, c’est un entre-deux. 

Que vous a apporté L’Elzède ?

Pauline : J’interviens encore dans la commercialisation et la médiation des livres.  

Cette aventure de roman-photo m’a fait découvrir la lecture. Avant, je n’avais jamais ouvert un bouquin, ou en tous cas pas par plaisir.  

Lorsque je suis allée présenter L’Elzède dans mon premier salon du livre, je ne savais pas ce que c’était. J’ai découvert un auteur qui écrivait des nouvelles et des romans. Je lui ai dit : « je vais vous acheter un livre, mais je ne sais pas si je le lirai ». Il me l’a gentiment offert et quand je suis arrivée à la maison, je l’ai dévoré. Et depuis, je lis plus ou moins, mais j’ai découvert ce qui est devenu pour moi une passion : l’écriture. Aujourd’hui, j’ai écrit et édité un recueil de poèmes.  

Pourriez-vous parler du moment de la prise de vue ?

Camille : On avait des journées entières de tournage. La mairie nous prêtait un local et on racrapotait tout sur le même moment. On a pu tourner quatre jours d’affilés. On allait tourner dans divers endroits de Rivière-sur-Tarn ou dans la montagne. Chacun et chacune savait à quelle heure il devait jouer, quel costume il devait avoir… On avait un plan de tournage. 

Pour moi, en tant que photographe, ce qui était super important, c’est qu’on ne fasse pas de pauses statiques comme dans les anciens romans-photos. J’avais vraiment envie que les gens s’éclatent en le faisant. Je leur donnais quelques indications en amont sur la scène, sur les intentions des personnages, après, ils étaient assez libres pour interpréter.  

Combien de temps faut-il compter pour un tournage ?

Camille : Pour L’Elzède, il fallait compter à peu près une heure par scène, quatre à cinq jours pleins de tournage par livre, plus quelques prises de vue annexe pour photographier dans des lieux spécifiques. 

C’est plutôt rapide ? 
Camille : Oui, c’est ça qui est vraiment génial avec le roman-photo.  

Pauline : Après, ce sont des heures de tournage et des heures de travail en amont et en aval de la prise de vue. C’est beaucoup d’investissement. Mais ça en vaut le coup.  

Quelles sont vos influences ?

Camille : J’ai commencé à faire du roman-photo sans avoir de modèle précis. Le syndicat des algues Brunes d’Amélie Laval m’a beaucoup influencé ainsi que les romans-photos de la maison d’édition Flblb, comme Même Le grand soir a commencé petit, et aussi Mon voisin Brad Pitt aux éditions Na. J’ai trouvé ces ouvrages géniaux, drôles, ils m’ont donné l’envie de créer. 

J’ai également lu Debout le roman photo pile-poil au moment où je commençais à m’intéresser au roman-photo. Je trouvais que c’était un super univers.  

Le scénario de L’Elzède repose beaucoup sur les ouvrages de B. Traven. On ne sait pas grand-chose à propos de cet auteur. Mais il a écrit des nouvelles, des romans, notamment sur le Mexique et la lutte des indigènes. Dans ses romans, comme par exemple comme Le Trésor de la Sierra Madre, on retrouve des colons blancs qui viennent chercher de l’or. J’ai vraiment adoré ce livre et la trame du tome 3 de L’Elzède est construite sur cet ouvrage. J’y fais souvent référence. 

Le premier tome repose plus sur le film La Belle Verte de Coline Serrault. Je me suis aussi inspiré des mangas français, comme The last man, notamment pour le graphisme.  

Pauline : Je me suis beaucoup reposée sur ma pratique théâtrale. Sans cela, je n’aurais jamais osé participer à un tel projet. Avant, je n’osais pas prendre la parole encore moins en public. Aujourd’hui, grâce au théâtre et à L’Elzède, j’y arrive facilement. 

Quels sont vos projets artistiques à venir ?

Pauline : Je n’ai pas de projet de roman-photo, mais j’ai des projets d’écriture. Je rencontre des gens qui m’incitent à écrire des contes pour enfants. Que je ne vous cache pas, j’ai commencé à brouillonner, mais c’est encore à l’état de brouillon.  

Je me sens plus à l’aise, moi, dans la poésie, donc je vais continuer dans ce sens. J’ai déjà l’idée de la première couverture de mon second recueil de poèmes. J’ai pas mal de choses. Je suis aussi guérisseuse, je veux allier ces deux passions. 

Camille : Je travaille sur un roman-photo qui sera un guide sur le jardinage, il paraîtra en mars. J’ai changé de village. Je n’habite plus dans le village où habite Pauline, mais j’ai usé de mes nouveaux voisins pour jouer dans cet ouvrage.  

Je travaille avec des éditeurs historiques, très sérieux et pointus. Ils ont voulu se renouveler en utilisant le roman-photo pour ses qualités fictionnelles et documentaire, mais aussi pour son côté drôle et décalé. 

Pauline : Il y a quelques années, vous m’auriez dit, tu vas faire un roman-photo, tu vas écrire un poème, j’aurais pensé : “elle est folle celle-là ou quoi ? Je n’en suis pas capable.” Et finalement, à mon grand étonnement, ben si. Puisque voilà, aujourd’hui, j’ai même envie de continuer à écrire. Cette aventure m’a apporté beaucoup de positif dans ma vie, elle m’a ouvert des portes. Si aujourd’hui, vous me dites : “on repart sur un roman-photo », je te réponds : “attention, c’est du travail, beaucoup de travail, beaucoup d’investissement personnel et professionnel”. Mais avec Camille on est tellement folle qu’on pourrait y retourner.  

Découvrir L’Elzède.

Propos recueillis par Sophie Bouchet.

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