Benoit Vidal est né en 1968 en région parisienne. Il se plonge très tôt dans la lecture de bandes dessinées. Attiré par les voyages d’une part, l’enseignement et la recherche d’autre part, il s’oriente vers une carrière d’enseignant, et est actuellement maître de conférences en sciences de gestion.
En août 2015, il publie Pauline à Paris, aux éditions Flblb. L’ouvrage est salué par le public et la critique. Ce roman-photo mêlant petite et grande histoire rencontre un beau succès et est réédité en 2022, en même temps qu’un nouveau roman-photo : Gaston en Normandie. Dans cet ouvrage, Benoit Vidal revient sur un autre épisode marquant de son histoire familiale : le débarquement, vu par sa grand-mère et par son propre père.
Quelles sont les qualités qui vous plaisent dans le roman-photo ?
Ce que j’aime avant tout dans le roman-photo, c’est que c’est un moyen d’expression qui a été très largement ignoré par les auteurs.
Bien entendu, la production industrielle de romances à l’eau de rose a été importante en volume. Mais pas en qualité. En parallèle, se sont développés des romans-photos parodiques, ou des détournements… mais les auteurs ayant tenté de faire du roman-photo d’auteur, ayant tenté de créer des récits originaux, sont très rares. Peut-être une cinquantaine en un demi siècle ?
Donc le roman-photo a un potentiel énorme pour nous étonner. Pour innover. Pour proposer des récits totalement nouveaux.
Dans le vaste champ des narrations graphiques, chaque média, chaque moyen d’expression, peut être utilisé pour raconter des types de récits extrêmement variés. Mais certains moyens peuvent être plus ou moins adapté à certains types de récits. La BD par exemple, du fait de la liberté du dessin, est tout à fait adaptée aux narrations fantastiques, surtout à une époque où la 3D n’existait pas. Mais elle peut aussi être utilisée dans les récits autobiographiques, documentaires, historiques etc.
Le roman-photo, lui, doit gérer de nombreuses contraintes, notamment techniques et financières. Il a donc beaucoup de défauts. Mais une de ses principales qualités est d’utiliser des images du réel. On a l’impression (même si ce n’est qu’une impression) que la photographie ne ment pas. La photographie va donner une dimensions concrète très forte à un récit. On est dans le témoignage, dans le réel, dans le quotidien. Il faut savoir utiliser cette qualité.
On peut l’utiliser de manière absurde, en créant un contraste entre l’image fortement ancrée dans le réel, et le texte qui peut basculer dans l’humour absurde. On peut ainsi faire parler un objet, ou faire dire des paroles ridicules à un vrai personnage (éventuellement connu). On tombe alors facilement dans l’humour absurde ou la parodie.
On peut l’utiliser pour sa qualité de façon sérieuse dans des ouvrages de témoignage, ou de type documentaire. Il est d’ailleurs intéressant de souligner que beaucoup d’auteurs de romans graphiques documentaires utilisent de manière plus ou moins récurrente des photos qu’ils intègrent à leur récit.
Personnellement, dans mes ouvrages, j’utilise les photos pour donner la parole à un narrateur ou une narratrice. Photographié, il ou elle nous parle, ou donne l’impression de nous parler. Le lecteur ou la lectrice est alors invitée à écouter une histoire. Et des images d’archives viennent illustrer le récit. Ces images sont celles qui traversent l’esprit de celui ou celle qui écoute l’histoire.
C’est un moyen original et puissant de retranscrire sur papier une mémoire orale. C’est un formidable outil au service du témoignage historique.
Quelles sont vos influences artistiques dans votre pratique du roman-photo ?
Mes ouvrages, Pauline à Paris et Gaston en Normandie sont directement le fruit d’ouvrages édités par les éditions Flblb. Grégory Jary a souvent fait parler ses grands-parents. Il a aussi innové en produisant un roman-photo-biographique (donc autobiographique). En donnant la parole à des personnes âgées racontant la manière dont ils avaient vécu durant la seconde guerre mondiale, dans les Maquisards du Poirier, le roman-photo de témoignage était né.
Comme j’ai depuis longtemps été sensible à la collecte de la mémoire familiale à travers des enregistrements sonores, je me suis emparé de cette technique pour retranscrire les histoires que j’enregistrais. La seule différence c’est que j’ai ajouté des images d’archives pour illustrer les récits enregistrés.
Bien évidemment, comme je suis un gros lecteur de bandes-dessinées, j’ai subi sans aucun doute beaucoup d’autres influences indirectes. Je ne vais pas essayer de les lister. Le thème de la relation à sa famille et de la relation au père notamment n’est pas nouveaux. les témoignages historiques, les témoignages de guerre ont inspiré de nombreux auteurs qui m’ont influencé.
La technique du collage également m’inspire beaucoup. Et d’une certaine manière, le travail de collecte d’images d’archives, puis leur positionnement dans des cases qui composent la page, s’apparente à ce travail.
Quels sont les projets que vous souhaiteriez réaliser en roman-photo ?
Il y aurait de nombreux témoignages à réaliser sous forme de roman-photo. De nombreux documentaires également.
Je m’intéresse aussi aux ouvrages hybrides : combiner photos et dessins, comme dans Le Photographe, me semble une piste à explorer davantage. Il y a un potentiel important.
Le roman-photo pour enfants est également un genre totalement désert. Il y a sans doute des choses à créer dans ce domaine.
Découvrir l’univers de Benoit Vidal.
Propos recueillis par Sophie Bouchet.